Le DG du Trésor présente la stratégie de financement du Sénégal aux investisseurs

Financement de l’État : le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor présente la stratégie d’endettement du Sénégal aux investisseurs

Le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor a rencontré, le jeudi 05 mars 2020, successivement, à 10 h puis à 16 h, l’Association professionnelle des Banques et Établissements financiers du Sénégal (APBEFS) et l’Association des Assureurs du Sénégal ainsi que les responsables des sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) établies au Sénégal.

Ces échanges, tenus en présence du Directeur de l’Agence UMOA-Titres et des représentants de la Direction générale du Secteur financier (le Directeur de la Monnaie et du Crédit puis le Directeur des Assurances) et de la Direction générale des Impôts et Domaines, avaient pour objet de présenter les évolutions récentes de la situation macroéconomique ainsi que les orientations stratégiques de financement du Sénégal. Il était également question de discuter des préoccupations des investisseurs et des solutions qu’il serait envisageable d’y apporter.

Dans ses propos préliminaires, le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor a rappelé le contexte marqué par la bonne tenue des finances publiques, le dynamisme de l’économie et une croissance soutenue avec la mise en œuvre du Programme Sénégal émergent (PS) dont le financement de la première phase a été adossé, en grade partie, à un endettement accru de l’État.

Le Directeur général a précisé que la consolidation de ces acquis passe par la réussite des projets phares de la seconde phase du PSE et l’accompagnement des tous les investisseurs dont les assureurs et intermédiaires financiers. Il a souligné que ces derniers, acteurs économiques de premier rang, sont invités à accompagner l’État dans la mise en œuvre de sa politique de développement économique et sociale.

1- Articulation de la stratégie d’endettement du Sénégal
Le Directeur de la Dette publique (DDP) a présenté les détails du cadre macro-économique, les projets phares du PSE et les choix stratégiques du Sénégal en matière de financement. Au titre du cadre macro-économique, il a relevé, en autres, la trajectoire de croissance diversifiée et soutenue de l’ordre de plus 6 % sur les trois dernières années et le maintien des efforts de réductions des déficits budgétaires de 1,6 points du Produit intérieur brut sur la période 2011 -2019. Cette tendance de maîtrise du déficit pourrait être maintenue avec les perspectives de croissance des recettes fiscales, estimée à 12,9 % par an sur la période 2020-2024 grâce à la Stratégie de recettes à moyen terme. Le DDP a également souligné les performances et la solidité du secteur bancaire en raison de sa bonne capitalisation et d’une masse monétaire ainsi que des crédits en forte expansion. Relativement aux projets du PAP 2 du PSE, le DDP a souligné les différents volets liés, entre autres à la jeunesse et à l’économie solidaire, et sur les programmes sectoriels, qui se rapportent, notamment, à la suppression des bidonvilles, à l’élimination des déchets et à la mise en place de villes créatives. Il a également mis en exergue les cinq (5) accès universels définis dans la phase 2 du PSE à savoir l’eau et l’assainissement, l’électricité, les services sociaux de base, la mobilité collective et les services sportifs et culturels.
Le DDP aussi évoqué aussi le besoin de financement du Programme d’actions prioritaires de la phase 2 du PSE ressortant à quatorze mille quatre-vingt-dix-huit milliards (14.098) milliards FCFA dont mille huit cent trente-quatre milliards (1.834 milliards) attendus du secteur privé.

Il a précisé qu’au titre de l’année 2020, le financement attendu par l’État sera, notamment, mobilisé à travers des émissions de 50 milliards par mois sur le marché local d’ici fin octobre 2020, suivant une stratégie prudente d’endettement.
Cette stratégie, à moyen et long terme, est axée sur les critères prépondérants suivants :

    • la couverture des besoins de financements de l’État avec le meilleur compromis coûts-risques ;
    • la priorisation, dans la limite du disponible, des ressources concessionnelles et des financements en euros pour éviter le risque de change ainsi que la fixation des taux d’intérêt afin d’éviter l’impact négatif de la variabilité des taux sur le service de la dette ;
    • l’utilisation des ressources commerciales pour le financement des projets à rentabilité économique avérée afin d’accroître la compétitivité de l’économie, favoriser la transformation structurelle de l’économie et développer de nouveaux secteurs créateurs de richesses, d’emplois, d’inclusion sociale et à forte capacité d’exportation et d’attraction des investissements ;
    • un retour marqué sur le marché intérieur pour contribuer à une meilleure gestion des vulnérabilités liées à la dette extérieure;
    • le soutien accru aux projets stratégiques présentant une rentabilité économique et financière avérée ; à ce propos, la stratégie consistera à limiter les risques d’appel de la garantie de l’État (analyse financière, mécanismes de comptes séquestre etc…) ;
    • la diversification du profil des investisseurs (banques, assureurs, gestionnaires de fonds, fonds de pension…) pour assurer une bonne gestion du risque de concentration qui pourrait influer négativement sur les conditions futures de (re)financement.

2- Les préoccupations des investisseurs
2.1- Préoccupations des banquiers
Les acteurs du système bancaire ont souligné quelques difficultés qui freinent l’exercice de leurs missions. Il s’agit principalement :

  • des retards dans le paiement des certains engagements directs de l’État conclus avec des banques et la non reconnaissance de certains billets à ordre et certificats nominatifs d’obligations qui entraînent un déclassement des créances ;
  • des modalités d’application de la fiscalité aux banques de la zone UEMOA, qui serait faite au détriment du Sénégal ;
  • des contraintes dans l’exploitation de l’application E-tax, qui ne serait pas adaptée au système d’information de certaines banques ;
  • de l’absence de la DGCPT dans système swift, qui est une plateforme qui regroupe les acteurs du système bancaire ; ce fait entrave la réalisation des ambitions de l’administration en matière d’automatisation, avec comme conséquences des doubles emplois et retour des fonds notés à la suite de certaines transactions.

Le Directeur de la Monnaie et Crédit a souligné la méconnaissance des règles qui régissent l’exécution des dépenses de l’État par les banques et établissement financiers.

2.2- Préoccupations des assureurs et des responsables de SGI
Les responsables des sociétés d’assurance et d’intermédiation ont porté une appréciation positive sur cette rencontre qu’ils estiment nécessaire dans le cadre du renforcement de la collaboration avec les autorités.
Ils ont toutefois souligné quelques difficultés qui pourraient entraver l’exercice correct de leurs missions. Ces contraintes portent principalement sur :

  • la structure du portefeuille des assurances, largement dominée par les sinistres qui représente 65 % des souscriptions, au détriment des assurances-vie ; la nature de ces souscriptions est peu favorable à l’achat de titres publics à moyen et long terme du fait de besoins élevés en matière de trésorerie liés à la couverture des sinistres ;
  • la faible attractivité des dépôts des titres publics à long terme au regard des alternatives offertes par les banques à travers les dépôts à terme qui sont rémunérés à des taux plus favorables (8 %);

3-Les pistes de solutions et perspectives envisagées
3.1 pour les préoccupations des banques
Au sujet des billets à ordres, le Directeur général a indiqué qu’ils ont été établis de façon irrégulière, ce qui a justifié le rejet de leur paiement par Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour non-conformité de signatures. En conséquence, leur prise en charge par les comptables publics est assez difficile au regard des textes en vigueur, a-t-il ajouté. Il s’est dit ouvert à l’évaluation de ces dossiers et à la mise en place d’un comité de réflexion pour trouver les voies et moyens de leur règlement. Le Directeur de la Monnaie et du Crédit a suggéré le recensement des billets et l’évaluation de leurs montants afin de trouver une solution définitive à leurs difficultés.

Le Directeur général a également recommandé la formation des acteurs du système bancaire sur les questions de finances publiques. Il s’est engagé à mettre ses agents à la disposition de l’APBEFS à cet effet.
A propos de la fiscalité sur les opérations de trésorerie interbancaires, le Directeur général s’est engagé à rendre compte fidèlement au Ministre des Finances et du Budget des contraintes soulignées par les banquiers. Pour sa part, le Directeur de l’Agence UEMOA-titre, M. Adrien DIOUF, a promis de prendre contact avec la commission de l’UEMOA pour évoquer la question en vue de la révision de la directive qui s’y rapporte.

M. DIOUF a également préconisé la mise en place d’une plateforme commune qui regrouperait la BCEAO, la DGCPT, la Direction générale des Impôts et des Domaine, la DGSFC et les acteurs du secteur financier afin de discuter régulièrement de leurs préoccupations communes. Cette plateforme, qui pourrait être coordonnée par la DGSFC, pourrait également servir de cadre pour trouver des solutions à l’inopérabilité et au faible niveau de développement du marché secondaire, soulignée par ailleurs par le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor. Elle servira également de cadre pour trouver des solutions aux problèmes notés dans le dénouement des opérations de paiement des impôts et taxes, à travers l’application E-tax.

Le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor a également annoncé des perspectives de participation du Trésor au financement du marché interbancaire à travers le placement de l’excédent de trésorerie et la mise en place de prêts à court terme auprès des entités du secteur. Ces dernières sont invitées à exploiter les données du programme d’endettement du Sénégal, à améliorer leur réactivité et à soutenir les différentes interventions du Trésor sur les marchés.

3.2- pour les préoccupations des assureurs et responsables des sociétés de gestion et d’intermédiation
Les pistes de solutions préconisées pour prendre en charge les préoccupations du secteur de l’assurance et de l’intermédiation financière consistent à :

  • développer les produits de l’assurance, nécessaires pour des souscriptions à long terme. En particulier, il est proposé de défiscaliser les droits légaux des employés (principalement des indemnités de fin de carrière) moyennant une souscription obligatoire sous forme de primes d’assurance obligatoire, en contrepartie d’une obligation de souscription de ces ressources en titres publics;
  • organiser un conseil présidentiel sur le secteur financier et des ateliers de réflexion, en rapport avec les services de l’administration sur le développement de l’assurance ;
  • développer des mécanismes de captation des excédents de liquidités de l’Afrique centrale ;
  • l’animation du marché secondaire à travers des spécialistes en valeurs du Trésor et la mise en place des mesures incitatives nécessaires.

Les assureurs et intermédiaires financiers ont également préconisé de mettre en place des mesures incitatives comme les assurances retraites obligatoires, l’exonération de retenues pour les valeurs de l’État et l’exploitation de la niche constituée par la diaspora. Ils soutiennent la mise en œuvre d’euro bonds en devises locales et la mise en place de packages de financements portant tant sur des projets rentables que d’autres moins rentables mais à fort impact économique et social.
Par ailleurs, ils souhaitent une forte implication des acteurs de l’assurance et de l’intermédiation financière dans la gestion du contenu local relatif à l’exploitation futur du pétrole et du gaz.
Sur ce sujet, le Directeur général a rassuré les investisseurs quant à la disponibilité de Monsieur le Ministre des Finances et du Budget pour leur apporter le soutien nécessaire pour capter des parts de marchés. Il s’est dit favorable, à cet effet, à une réflexion plus globale sur le rôle du secteur des assurances et de l’intermédiation financière comme levier de financement de l’Économie. Ces exercices permettront de trouver des solutions structurelles aux difficultés du secteur et d’améliorer sa contribution au financement des grands projets de l’État, a-t-il ajouté.

En réponse aux commentaires sur la prédominance des adjudications comme mode opératoire des dernières levées de fonds, le Directeur général s’est dit ouvert à tous les schémas de financement de l’investissement y compris les crédits syndiqués. Il a toutefois soutenu que les critères déterminants restent la rationalité des procédures et l’efficience de soumissions proposées.